Isaac of Nineveh

La Vie du philosophe Secundus à Byzance et dans ses alentours: les lectures édifiantes d’une historiette païenne

Vita of the Philosopher Secundus in Byzantium and Around: Instructive Readings of a Pagan Story

  • Summary/Abstract

    La Vie du philosophe Secundus est un petit texte qui, composé au cours de la seconde moitié du IIe s., n’a suscité qu’un intérêt mitigé de la part des chercheurs. L’historiette qu’elle renferme est très simple, mais peu banale: après avoir reçu une formation pythagoricienne loin de ses parents, Secundus revient, encore jeune, chez sa mère, son père étant mort depuis longtemps. Sans être reconnu, il décide de mettre à l’épreuve sa génitrice. Il obtient un rendez-vous nocturne, pendant lequel rien de scabreux ne se passe. Mais, révélant sa véritable identité au petit matin, il cause le suicide de la mère. Suite à cet évènement tragique, Secundus se damne au silence perpétuel. Lorsque, plusieurs années plus tard, l’empereur Hadrien se trouve à Athènes, il est pris par l’envie de rencontrer le célèbre philosophe et de profiter de sa sagesse. Il reçoit donc Secundus qui, impassible, ne change pas d’attitude et reste muet face au souverain qui l’interroge. Les mots les plus respectueux, tout comme les menaces les plus extrêmes et le risque du martyre n’ont aucun effet sur le mutisme du philosophe. L’empereur n’a donc d’autre solution que de dialoguer avec lui au moyen d’une tablette, grâce à laquelle Secundus répond à une série de questions "philosophiques" concernant des concepts très généraux. Ses réponses, qui sont précédées d’une dissertation au sujet de la vanité du pouvoir et de la vie, constituent des affirmations apodictiques, prenant souvent la forme d’oxymores. Hadrien, ému par la sagesse et la cohérence du philosophe, ordonne de copier ses oeuvres Les chercheurs partagent aujourd’hui l’avis selon lequel la Vie et les Sentences constitueraient un ensemble unitaire dès l’origine. Ils invoquent généralement des traductions (remontant aux V-VII s.), ainsi qu’un manuscrit byzantin, tout à fait isolé par rapport au reste de la tradition médiévale. Le témoin le plus ancien du texte, un papyrus que l’on peut dater entre la fin du IIe et le début du IIIe s., ne contient que la Vie. Puis, les Sentences ont connu, tout au long de l’époque byzantine, une ample circulation indépendante, dont témoignent à la fois la tradition directe et des citations. La création de la Vie est décidément étrangère à la tradition chrétienne: elle est clairement païenne et semble liée à un milieu érudit. Au fil des siècles, les lecteurs, copistes et traducteurs chrétiens semblent avoir considéré l’histoire de Secundus, au-delà de son appartenance à une dimension culturelle originairement "autre" (dans le cas spécifique, païenne). Plusieurs stratégies d’appropriation, actualisation et adaptation de ce petit ouvrage furent en effet mises en place dans l’empire et dans ses périphéries, par des milieux chrétiens souvent éloignés dans l’espace et dans le temps. Dotée d’une valeur littéraire modeste, la Vie de Secundus fut conçue dans un milieu païen et avait presque certainement à l’origine une fonction tout à fait étrangère à celle de l’édification. Comme d’autres ouvrages


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